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J’entends parfois des gens dirent au sujet du confinement « On est tous et toutes dans la mĂȘme galĂšre ».

Dans la mĂȘme galĂšre ? Ah oui ? J’ai des doutes


Est-ce qu’on est dans la mĂȘme galĂšre si on a un lieu d’habitation ou si on vit dans la rue (rue dĂ©sertĂ©e en cette pĂ©riode par ailleurs)  ?

Si on vit en maison avec jardin ou si on vit en appart ?

Si on vit en ville ou à la campagne ?

Si on est confinĂ©-e seul-e ou avec d’autres personnes ?

Si on vit avec des personnes avec qui on se sent bien ou avec des personnes dans une ambiance tendue voire violente ?

Et que dire si on vit en EHPAD ou en taule sans aucune visite possible ?

Est-ce qu’on est dans la mĂȘme galĂšre Si on tĂ©lĂ©travaille dans un endroit avec une connexion de merde et un ordi pour un groupe de 3, 4 ou 5 personnes ou si on a le cĂąble et un ordi par personne ?

Si on est caissier-es, personnel soignant, travailleurs et travailleuses sociaux


Et les intermittent-es du spectacle ?

Et les commerçant-es ?

Est-ce qu’on se sent dans la mĂȘme galĂšre si on a 80 ans ou une santĂ© fragile ou si on a 20 ans ?

Alors non vraiment non, nous ne sommes pas tous et toutes dans la mĂȘme galĂšre.

Ces derniers jours, j’ai lu des narrations, des journaux de confinĂ©-es qui m’ont donnĂ© envie de hurler, de gerber presque !

Cette phrase de Leïla Slimani a notamment été relayée de maintes fois sur les réseaux sociaux

« Cette nuit, je n’ai pas trouvĂ© le sommeil. Par la fenĂȘtre de ma chambre, j’ai regardĂ© l’aube se lever sur les collines. » Source

Et unetelle sur son journal FB qui se plaint de ne pas pouvoir aller chez l’esthĂ©ticienne et le coiffeur !!!

Et l’autre qui se plaint que son magasin prĂ©fĂ©rĂ© de vente de canson soit fermĂ©e

Au Secours !!! Aucune rĂ©flexion, aucun sens critique, aucune retenue. A la limite de l’indĂ©cence.

Et puis je me suis dit « Et moi ? Je raconte quoi  sur mon journal mis en ligne sur le blog des CEMEA ? Ne suis-je pas aussi dans mon délire de classe moyenne, de privilégiée ? »

Alors bien sĂ»r, je suis inquiĂšte pour certain-es de mes proches, inquiĂšte pour le monde, inquiĂšte pour les consĂ©quences liberticides de l’état d’urgence sanitaire, inquiĂšte pour l’avenir de l’asso oĂč je bosse mais il faut avouer que mon confinement en famille dans notre maison en pĂ©riphĂ©rie de Nantes n’est pas l’un des plus complexe.

Je ne fais pas partie de la haute bourgeoisie mais sais que je suis une privilégiée.

Alors je doute et crains que la lecture de mes mots produit pour cetrain-es ce sentiment d’indĂ©cence ?

Pour autant, je suis convaincue que se faire conteur de ce qui nous arrive permet de mettre en avant le sensible, le subjectif. Ça aiguise le sens critique (autant pour celui ou celle qui Ă©crit que celui ou celle qui lit). La lecture d’une histoire singuliĂšre convoque le commun. Et puis, ça offre un regard diffĂ©rent de ce que propose les mĂ©dias classique.

Les tĂ©moignages de vie, le travail autour des rĂ©cits de vie, les bibliothĂšques humaines sont Ă  mon sens des outils d’éducation nouvelle et d’éducation populaire incroyables et puissants ET en ce qui concerne les « journaux » c’est intĂ©ressant si et seulement si, il y a plusieurs angles Ă  lire et analyser.

Aujourd’hui cette rubrique « Journaux » sur le blog des CEMEA n’offre que mon point de vue et ça ne me va pas. Mais pas du tout…

J’ espĂšre donc que certaines personnes vivant d’autres expĂ©riences dans d’autres contextes que le mien rejoignent cette rubrique.

En attendant, je continue de douter.