COVID 19 : pas seulement une pandémie… (Texte rédigé par les CEMEA PDLL)

Un mouvement d’Éducation Nouvelle et Populaire, visant l’émancipation individuelle et collective et la transformation sociale se doit de réagir face à cette situation inédite :

– pour beaucoup des relations sociales qui se centrent sur du numérique, du distanciel, et du télétravail

– du confinement : nous comprenons le souci de sécurité physique mais nous ne pouvons pas le dissocier de la santé mentale et d’une forme de « santé sociale ». Le bien être physique, affectif, psychique, social sont liés. Mais nous ne devons pas réduire le système de santé, à sa dimension de « soin du corps » et nous devons l’articuler avec le soin du psychique et du mental.

Nous sommes brutalisé.e.s dans notre humanité.

Notre histoire et nos conceptions pédagogiques s’appuient sur une vision complexe de l’humain et du vivant qui nécessite de tenir ensemble toutes les dimensions de la vie. Or nous pensons que le contexte politique actuel est dominé par la marchandisation du monde, la destruction du vivant, l’accroissement des inégalités, la mise à la marge croissante d’une grande part de ceux qui peuplent la terre.

La dépossession des décisions prises dans des instances trop distantes de tout un chacun.e, est le terreau de « cette assignation à résidence généralisée » qui nous contraint à mettre de côté une grande partie de ce qui fait la joie de vivre : la rencontre, le partage du sensible,  avec les autres dans l’agir collectif, tout ce qui fait la richesse de l’action associative.

Qu’est ce que vivre ? Il ne faudrait pas que le remède soit pire que le mal !

Besoin de services publics

Malheureusement, ils sont trop souvent attaqués ces dernières années. « Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché », a déclaré Emmanuel Macron lors de son intervention du 12 mars. « La santé n’a pas de prix. Le gouvernement mobilisera tous les moyens financiers nécessaires pour porter assistance, pour prendre en charge les malades, pour sauver des vies quoi qu’il en coûte ».

On croit presque rêver et pourtant Macron s’inscrit bien dans la logique de casse du service public depuis 30 ans au moins. Nous pouvons craindre un discours de façade alors que le directeur de l’ARS du Grand Est annonce la suppression de postes à venir sur Nancy, et ce en pleine crise. Mais c’est la résultante d’une politique qui vise à limiter les dépenses de santé, à instaurer la tarification à l’acte, à fermer les établissements non rentables.

Cela ne concerne pas seulement la santé mais aussi l’éducation, les transports…, la détérioration de ces services est progressive et réelle : on supprime des moyens (un peu tous les ans) pour ensuite démontrer que le service n’est ni efficace, ni à la hauteur des enjeux et du coup le privatiser, le rendre marchand et payant. C’est ainsi qu’aux USA, pays qui ne bénéficie pas d’assurance maladie, le coût pour se soigner du Covid 19 s’élève à 30 000 $ (soit 27 600 €).

Les oublié.e.s de la crise

Depuis quelques jours on comptabilise le nombre de décès dans les EPHAD. Cependant, il reste encore de nombreux oubliés :

. Les personnes en situation de handicap, SDF, personnes incarcérées

. Le social et le médico-social (l’Aide Sociale à l’Enfance, les services de psychiatrie)

. Les personnes exilées, les demandeur.euses d’asile (quelles pratiques aux frontières actuellement dans un contexte de fermeture de l’Europe ?)

. Les salarié.e.s des grandes entreprises (ex: Amazon) qui continuent de produire dans des conditions de travail déjà pénibles avant la pandémie.

. L’Afrique oubliée, mais que l’on veut bien transformer en laboratoire de tests

On manque de tout, d’équipements, de masques, de gel face au virus. Rien n’a été anticipé au niveau de l’État (pas de stocks). Les professionnel.les se plaignent à juste titre de ne pas être considéré.e.s, reconnu.e.s, protégé.e.s au même titre que les soignants de l’hôpital, dans l’exercice de leur activité et de leurs déplacements.

Personne ne manque évidemment ni d’énergie, ni d’engagement. Tout le personnel est présent et souhaiterait gérer ses propres angoisses. Ils et elles demandent qu’il y ait des tests, afin de ne pas contaminer leur famille, les patients et les autres personnes rencontrées.

La fermeture des écoles et de certains établissements spécialisés (ITEP, IME…) sans que cela soit anticipé a renforcé les inégalités.

L’enseignement à distance dans le cadre de cette continuité pédagogique a éloigné davantage encore les plus fragiles, celles et ceux ne possédant pas les clés de la « culture scolaire ». Leurs vacances ne devront pas se résumer à des stages de remise à niveau.

  • Dans les zones rurales les plus isolées, la fermeture des quelques services publics existants renforce les effets du confinement et de l’isolement.

  • Dans les quartiers, comme au Clos Torreau (à Nantes), à proximité de notre siège régional, les Maisons de Quartier, la Mairie de quartier sont fermées. Dans un premier temps, c’est le centre commercial qui photocopiait les attestations de déplacement dérogatoire et qui maintenait une forme de lien social ! Puis nous avons décidé d’y prendre part aux CEMEA. Cette situation est malheureusement identique sur l’ensemble du territoire régional, national…

  • Les violences policières quotidiennes se multiplient, les exemples et les témoignages s’amplifient. La crise permet de tout passer sous silence.

Une pandémie qui interroge nos modes de vie 

La pandémie pose de fait des questions de société. Comment et pourquoi de telles maladies apparaissent, se diffusent à une telle vitesse ? De quelle façon nos organisations économiques fonctionnent-elles : capitalisme, productivisme, globalisation ?

En tant que mouvement d’éducation populaire nous devons permettre des échanges dans tous les espaces : lycées, universités, entreprises, espaces publics, centres socioculturels, institutions etc. Nous ne pouvons pas vivre un post Covid 19, comme si rien n’était arrivé. Chacun.e d’entre nous aura des séquelles et il sera nécessaire d’échanger, de s’informer, de partager, de réfléchir, de critiquer et donc poursuivre notre objectif d’éducation citoyenne et politique.

Nous devrons interroger certaines pratiques liées et initiées par le confinement :

  • Une société du contrôle qui se renforce, quant à l’usage possible du projet « StopCovid » lancé par le gouvernement et soutenu par quelques médecins. Il s’agit de développer une application visant à limiter la diffusion du virus en identifiant les chaînes de transmission. L’idée serait de prévenir les personnes qui ont été en contact avec un malade testé positif, afin qu’elles se fassent tester elles-mêmes, et si besoin qu’elles soient prises en charge très tôt, ou bien qu’elles se confinent. On peut repérer toutes les dérives possibles d’un tel projet.

    Ici ou là, des drones équipés de haut parleur survolent les rues des métropoles françaises, intimant aux passants l’ordre de rentrer chez eux. Le gouvernement ayant décrété l’état d’urgence sanitaire, des couvre-feux ont été instaurés dans une centaine de villes.

  • L’état d’urgence permet au gouvernement de prendre des décisions sans contrôle, sans débat démocratique : comme l’interdiction de réunions au nom du maintien de l’ordre, des atteintes au droit du travail… Le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a récemment déclaré que les gendarmes avaient : « le droit de fouiller les sacs de courses s’ils ont le sentiment que la personne les bluffe ». Le spectre d’une société de contrôle n’a jamais été aussi palpable,

  • Un système de délation où chacun.e est amené.e à suspecter son voisinage.

Sauvegarder la vie associative

La gestion de cette pandémie a été guidée prioritairement par une vision économique. La situation a justifié, au delà de ce que nous avions pu imaginer, une mise au pas et une normalisation des corps vivants par la discipline sanitaire. En raison de cette décision une grande partie de la vie sociale et associative a été suspendue.  Cette dernière n’étant pas considérée comme une source essentielle de « la vie de la nation ». Contrairement à de nombreuses activités d’entreprises, elle s’est vue restreinte comme peau de chagrin. Il y a derrière cette décision, une certaine vision de la vie réduite à sa dimension « biologique ». C’est de fait, se tromper sur  le sens  de la vie comme sur le sens de ce qui fait l’intérêt général, tout comme la part économique portée par le bénévolat, qui elle  n’est pas chiffrable en terme monétaire. Comme si le mouvement associatif ne pouvait pas appliquer, de manière consciencieuse, les mesures barrières aussi bien, voire mieux que dans les supermarchés ou dans les hangars d’Amazon.

La vie associative est essentielle et il est donc nécessaire que l’État, les collectivités, les institutions (CAF…) puissent aussi construire un plan de sauvegarde au regard des risques financiers. C’est ainsi que le CRAJEP Pays de la Loire, dès le 17 Mars posait 3 axes de levier :

  • Maintenir ses engagements

Nos associations ont des conventions, des marchés publics, des appels à projets avec des collectivités, des institutions (CAF, Pôle Emploi, Agefiph…), l’Etat… Certaines d’entre elles commencent à donner des avis positifs. Il nous semble effectivement essentiel d’avoir des engagements financiers permettant de garantir une continuité des actions malgré la période d’annulation et/ou de report.

  • Créer et ouvrir des fonds de soutien au secteur associatif et à l’éducation populaire

Le CRAJEP Pays de la Loire pense qu’il est nécessaire de créer des fonds de soutien au secteur. Certaines collectivités (Conseil Régional, Conseil Départemental 44, Nantes Métropole… ) ont d’ores et déjà annoncé entrer dans cette démarche. Il nous semble nécessaire que la solidarité soit de tous les espaces et de tous les territoires.

  • Reporter le SNU (Service National Universel)

Aujourd’hui, le SNU ne peut plus s’organiser en 2020: annulation de la formation des encadrant.e.s. Il est prévu pour l’heure d’inverser les 2 phases du SNU : faire dès maintenant ce qui est d’intérêt général au service d’associations et reporter à la fin de l’été le séjour de cohésion.

Pour les CEMEA, dans ces conditions, il serait même irresponsable de le maintenir cette année. Nous demandons donc un report du SNU, et qu’à l’échelle des Départements, des Régions et de l’État, les fonds fléchés sur ce dispositif soient réaffectés vers un plan de sauvetage du secteur associatif et d’éducation populaire !

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