Je vais vous raconter une histoire. Cette histoire, on l’a probablement tou.te.s vécu déjà. Ça commence pas mal : en pleine période de mouvement social, on revient d’une éreintante journée de manif’, on est content.es, on était plein. Bon, peut-être un tantinet moins que la fois d’avant, mais même pas sûr.

En rentrant dans nos pénates, curieux.ses, on va jeter un œil à ce que disent les médias de l’ampleur de la mobilisation. Et là, horreur ! Sous un titre crânement intitulé « Grèves : la mobilisation en baisse », la presse bourgeoise (oui oui, tu as bien lu, c’est matérialiste et factuel) nous sert un article assorti d’un graphique de cet acabit :

Et là, on se dit : non ! Pas possible, illes nous mentent, se foutent de nous, on était pas moitié moins que la veille, c’est n’importe quoi, y’a qu’à regarder les images.

Ce qui est amusant (ah. ah.), c’est qu’avec les mêmes données, on aurait pu faire ça :

Ce deuxième graphique est construit exactement avec les mêmes données, et représente exactement la même réalité. Mais pas de la même manière… Envie de comprendre comment ce tour de passe-passe fonctionne ?

En réalité, c’est tout simple : l’axe des ordonnées (vertical) du premier graphique ne part pas à 0, mais à 25 500, ce qui a pour effet d’accentuer énormément la perception des différences de l’ordre de 2000 ou 3000 personnes en moins. A l’inverse, le second graphique part bien de 0, et en ce sens, il représente plus justement la différence d’un jour à l’autre : on évalue la baisse de la mobilisation rapportée à l’ensemble des personnes mobilisées, pas à un échantillon tronqué là où ça nous arrange.

Mais alors, ce deuxième graphique, il a tout bon ? Pas sûr… On pourrait lui reprocher que l’échelle s’arrête à la valeur la plus grande du graphique (30 000) ce qui a pour effet de donner une impression de remplissage, de plafonnement.

 

Allez, un dernier pour la route ? Toujours avec les mêmes données, on aurait pu sortir ça :

Là, c’est le pompon ! La palme d’or du graphique réactionnaire. Comment obtenir ce double effet kisscool ? Comme le premier graphique, on fait partir l’échelle un peu en dessous de la valeur minimale (ici 25 000), et on inverse l’effet d’écrasement obtenu tout à l’heure, en faisant courir l’échelle jusqu’à 100 000.

Et voilà comment entretenir ou provoquer artificiellement un sentiment d’essoufflement ou de démobilisation ! On notera que ça marche aussi très bien pour minimiser une baisse de budget dans la santé publique hospitalière, au hasard…

Comme quoi, les tours de magie, ça ne marche pas qu’avec des cartes, mais aussi avec des graphiques !

 

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