Point de situation au 25/03/2020

Bonjour, sur tous les secteurs que ce soit médico-social et protection de l’Enfance, c’est la colère qui gronde, la colère des travailleurs sociaux, des psys. On manque de tout, on manque d’équipement, de masques, de gel face au virus. On rejoint le reste de la population, des personnes qui sont en contact avec le public. Rien n’a été évalué au niveau de l’État. Les équipes se plaignent à juste titre de ne pas être considérées et cela au même titre que les soignants de l’hôpital général. La crainte pour eux, ce sont les allers et retours entre chez eux et les internats, l’hôpital psy et les CMP. Ils ne manquent évidemment pas d’énergie, d’engagement. Chacun déploie ce qu’il peut, comme il peut. Tout le personnel est présent, ils souhaiteraient gérer leur propre angoisse et ce qu’ils demandent le plus, c’est qu’il y ait des tests, afin de ne pas contaminer ni sa famille, ni les enfants ou les patients. C’est cette demande qui est arrivée en premier. Ce sentiment que partage toutes les équipes, c’est d’avoir été oublié.

Il est vrai aussi que la protection de l’Enfance, depuis hier, s’est faite entendre puisqu’il va être permis aux travailleurs sociaux que leurs enfants puissent accéder à l’école et aux différents modes de garde. C’est tout à fait nouveau et un certain nombre d’enseignants vont se mettre en lien avec différentes structures. C’est important de le noter, c’est un petit pas en avant.

Sur la question de ce qui manquerait le plus pour des personnes qui sont confinées par obligation, que ce soit les patients en pédopsy, les patients chez les adultes ou dans le médico-social ainsi que la protection de l’Enfance, c’est comment mettre de l’extériorité à l’intérieur. Les CMP sont tous fermés. Il y a quelques collègues qui ont encore des permanences, il leur a été demandé d’assurer ces permanences pour les urgences afin de ne pas saturer les urgences hospitalières. Ils peuvent dire que leur difficulté est d’accéder aux familles, des familles en très grande souffrance. Ils n’ont pas les moyens de faire tiers, même si certains se déplacent, vont faire des entretiens auprès des personnes. Chacun, chacune travaille comme il peut, en Visio conférence lorsque c’est possible. Le confinement est partout. La difficulté de la protection de l’Enfance, c’est le milieu ouvert puisque les travailleurs sociaux ne peuvent pas accéder aux différentes familles. On sait aussi que pour des familles en grande précarité, enfermées, de grandes difficultés vont se créer, un certain nombre de violences et notamment intrafamiliales. On s’attend donc à des placements en urgence en internat. La difficulté c’est que nous ne sommes pas prêts ni les uns ni les autres à accueillir ces urgences-là. Rien n’a été évalué auparavant. Chacun essaie de bricoler de son côté pour accueillir la souffrance de l’autre.

Dans le mot désespoir il y a espoir et ce qui se passe alors dans tous les lieux, ce sont des projets Il y a une incroyable solidarité entre les équipes en intra comme en extra. Chacun vient mettre un peu sa pierre à l’édifice. On s’aperçoit que les petits riens du quotidien amènent du baume au cœur à tout le monde.

Alors comment mettre du dehors dedans ?

Être en lien ! Et être en lien, ça veut dire que même quand on est chez soi, on téléphone à celui ou à celle qui est dedans, dans une famille d’accueil, dans un gîte d’enfants ou à l’hôpital. Du dehors dedans, il faut que ça circule. La Visio aussi c’est important. On s’aperçoit que dans nos consultations par exemple, il y a l’oreille mais il y a aussi l’œil. Alors on peut aussi écouter avec les yeux. C’est très important, on s’aperçoit que les personnes sont plus attentives. Ça aussi c’est du dehors dedans. Le quotidien qui ritualise dedans, c’est-à-dire que même si je ne peux pas sortir dehors, je sais ce que j’ai à faire dans la journée.

Le nombre de bénévoles, d’associations qui mettent des bénévoles « à disposition » sur des projets, je pense à une des MECS au niveau de Nantes ou les Ceméa qui travaillent auprès des équipes autour de cabanes et de jeux collectifs, c’est extrêmement important ; des personnes qui viennent du dehors et qui travaillent au dedans. Voilà, ce sont tous ces projets, des projets de films aussi, qui sont si importants. A l’intérieur des institutions, des personnes mettent en place des médiations parce qu’il n’y a plus rien (c’est ça le problème), et quand tout s’est arrêté en intra et surtout pour les collègues en hôpital psychiatrique, quand il n’y a plus de médiations on est encore plus confinés. Donc trouver à bricoler intelligemment c’est ce qui nous reste encore d’humain dans toutes nos institutions.

Interview de Pascale Guichet
Retranscription : Chris

28 Mars 2020